Interview du ministre des Affaires étrangères, Giorgos Gerapetritis, avec le journaliste Nikos Chassapopoulos sur mononews.gr (05.06.2025)

Interview du ministre des Affaires étrangères, Giorgos Gerapetritis, avec le journaliste Nikos Chassapopoulos sur mononews.gr (05.06.2025)

JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, il y a eu récemment un grand changement dans les questions de politique étrangère. Nous avons d'abord eu le changement d'attitude de Haftar. Nous avons eu l'insistance de la Türkiye à entrer dans le SAFE. Nous avons encore l'ambassadeur américain en Türkiye qui fait l’éloge d’Erdogan et lui fait des promesses concernant les F-35. Qu'est-ce qui a changé ? Dites-nous ce que nous n'avons pas fait correctement pour en arriver là ? Ajoutons à cela l'histoire du Sinaï.

G. GERAPETRITIS : Avec tout le respect que je vous dois, permettez-moi de dire que je ne pense pas que quelque chose ait changé. Et je ne pense pas qu'il y ait eu d'échecs. Au contraire, la diplomatie grecque fait toujours le maximum pour son pays. En ce qui concerne le SAFE, il est clair que l'Union européenne évolue vers un caractère plus géopolitique. Cela signifie logiquement que la défense européenne doit être renforcée. D'ailleurs, le Premier ministre grec a été l'un des premiers à mettre en avant la dimension de la défense dans la voie vers l'autonomie stratégique de l'Union européenne. Dans ce contexte, l'Union choisit d'ouvrir son marché à des pays tiers, qu'il s'agisse de pays en voie d'adhésion ou de pays tiers tels que les États-Unis et le Royaume-Uni. Toutefois, cela ne se fait pas de manière globale et horizontale, ni de manière indéfinie. Le règlement Safe définit la procédure et les participants à un programme européen spécifique de quatre ans d'un montant total de 150 milliards d'euros. En ce qui concerne l'entrée en vigueur du règlement, la diplomatie grecque a parfaitement rempli sa mission.

JOURNALISTE : Donc, une majorité et non l'unanimité ?

G. GERAPETRITIS : Le règlement SAFE, conformément au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, est adopté à la majorité qualifiée, c'est-à-dire que 15 des 27 États membres représentant 65 % de la population totale de l'Union suffisent. Par conséquent, la Grèce, comme tout autre pays de l'Union européenne, n'a pas de droit de veto. À cet égard, les discours selon lesquels nous n'avons pas fermé la porte à la Türkiye relèvent au mieux de l'ignorance et, au pire, de l'opportunisme politique. Il est également tout à fait inexact de dire que la Grèce n'a pas adopté une position ferme lors du vote du règlement. La réalité est que la grande majorité des États membres de l'Union européenne souhaitent un marché des équipements militaires aussi ouvert que possible, afin de garantir une plus grande concurrence et, en fin de compte, des équipements de défense moins coûteux. Malgré cela, nous avons obtenu deux modifications qui sont absolument essentielles pour la Grèce. Le premier changement, que nous avons demandé et finalement obtenu, est que les pays tiers ne soient pas automatiquement inclus dans les programmes d'armement, mais que leur éligibilité soit subordonnée à la conclusion préalable d'un accord bilatéral entre l'Union européenne et le pays tiers concerné. Cet accord doit être approuvé à l'unanimité. Le deuxième changement que nous avons obtenu est la mention explicite que ces accords bilatéraux, s'ils sont conclus à l'avenir, devront tenir compte des questions de sécurité nationale des États membres. Et si tel est le cas, à la discrétion de chaque État, le droit de veto sera activé. Par conséquent, Monsieur Chassapopoulos, dans le cadre d'une négociation sur un règlement qui, en raison de la majorité qualifiée, pourrait, en contournant nos propres réserves, intégrer automatiquement et sans condition tout État membre tiers dans les programmes de défense, nous avons en fait créé un droit de veto et mis au premier plan les intérêts nationaux de tous les États membres de l'Union. Que ceux qui pensent que la négociation n'a pas été bénéfique pour le pays y réfléchissent à deux fois.

JOURNALISTE : Pensez-vous que le règlement SAFE est finalement une « porte dérobée » et qu'il doit être modifié ?

G. GERAPETRITIS : Dans le cadre de sa stratégie d'autonomie, l'Union européenne a choisi d'ouvrir le marché des équipements à des pays tiers pour une partie limitée du budget du programme. Il existe donc une porte qui n'est pas contrôlée exclusivement par nous. Ce qui nous intéresse, c'est que la Grèce détienne les clés de cette porte et que nos intérêts nationaux soient préservés. Et tel est manifestement le cas en l’occurrence. D'ailleurs, Chypre, qui a, comme vous le comprenez, des préoccupations similaires aux nôtres, a voté en faveur du règlement SAFE.

JOURNALISTE : Passons maintenant, Monsieur le Ministre, à la Libye et au maréchal Haftar. Ce changement d'attitude de Haftar n'est-il pas une défaite de la diplomatie grecque ? À ce propos, je dois vous dire, si vous ne le savez pas, que nous lui offrons un navire. Nous lui offrons un navire entier. Nous formons ici des garde-côtes libyens. Le saviez-vous ?

G. GERAPETRITIS : La situation en Libye est extrêmement difficile. Les acteurs extérieurs de longue date et la division de facto du pays créent des conditions de grande instabilité. La Grèce fait ce qu'elle doit faire pour servir la stabilité de la région au sens large, mais aussi ses propres intérêts nationaux. Il existe en effet des intérêts nationaux majeurs liés à la Libye, tels que la délimitation des zones maritimes et l'immigration clandestine. Car avec ce qui se passe actuellement, en particulier en Afrique subsaharienne et au Moyen-Orient, le risque est très grand que les flux migratoires explosent à un moment donné. Nous observons déjà une augmentation significative depuis le corridor sud.

JOURNALISTE : Pourquoi Haftar agit-il ainsi, selon vous ? Pourquoi a-t-il soudainement adopté cette approche envers la Türkiye ? Pourquoi n'avons-nous pas réagi lorsque Haftar a reçu le ministre de la Défense en Türkiye ?

G. GERAPETRITIS : Tout d'abord, il ne faut pas préjuger de l'évolution de la situation. La Grèce suit de près les développements et veille à mettre en place un système de contacts et à mener une diplomatie efficace tant avec l'est qu'avec l'ouest de la Libye. Nous pensons qu'il convient de rétablir une communication équilibrée et bénéfique avec les deux parties, qui a été rompue pour des raisons historiques. Afin de disposer de canaux diplomatiques directs, nous avons rouvert notre ambassade à Tripoli et notre consulat à Benghazi. Nous prenons des initiatives et insistons dans les forums internationaux pour que la Libye soit aidée à mettre en place un programme de réconciliation nationale qui lui soit propre.

JOURNALISTE : Avez-vous eu des discussions avec Haftar ou avec d'autres personnes en Libye orientale après cela ?

G. GERAPETRITIS : Nous avons rétabli de multiples voies diplomatiques sur la base d'un plan géopolitique global. Je tiens à souligner combien la présence dans la région élargie du pays de deux géants américains de l'énergie, Exxon et Chevron, est importante pour nos droits souverains. La Libye elle-même, lorsqu'elle a concédé l'exploitation de ses propres zones maritimes, a respecté la ligne médiane. Tout cela n'est pas le fruit du hasard. Le mémorandum turco-libyen, signé en 2019 et notifié à l'ONU en 2020, n'a aucun effet juridique à l'égard des tiers et n'a aucune valeur juridique, principalement parce que la Libye et la Türkiye n'ont pas de côtes opposées, comme l'exige le droit de la mer. Il ne peut donc être légitimé d'aucune manière.

JOURNALISTE : Quoi qu'il en soit, Monsieur le Ministre, nous avons fait venir Haftar ici, il s'est exprimé devant le Parlement grec, il nous a donné des assurances concernant le mémorandum turco-libyen, il nous a assuré de son soutien, même dans les zones maritimes. Et soudain...

G. GERAPETRITIS : Pour l'instant, la seule chose qui existe est la proposition de création d'une commission d'évaluation du mémorandum turco-libyen. Je vous prie de faire confiance à la diplomatie grecque, qui fait ce qu'il faut. Et il est bon de garder à l'esprit que notre diplomatie doit être particulièrement prudente et équilibrée, surtout en ce qui concerne la Libye, qui est l'une des régions les plus instables de la planète. Nous restons vigilants et disposons d'armes très puissantes que nous n'hésiterons pas à utiliser si nécessaire.

JOURNALISTE : Envisagez-vous donc de vous rendre sur place ?

G. GERAPETRITIS : Bien sûr, une visite aura lieu très prochainement dans les deux régions de la Libye.

JOURNALISTE : Passons maintenant au Sinaï, Monsieur le Ministre. Que s'est-il passé ? Tout à coup, malgré les assurances que vous aviez données ici, des assurances publiques devant les caméras de télévision ainsi que le Premier ministre, il y a eu cette décision de justice qui bouleverse pour le moins le régime de propriété. Et, d'après ce que nous avons compris, il existe jusqu'à présent un accord sur le statut religieux, qui reste inchangé. Je ne sais pas ce qu'il adviendra des visas des moines là-bas, mais qu'en est-il du statut de propriété ? Pourquoi toute cette histoire ne s'est-elle pas terminée avec votre visite là-bas, avec l'accord que vous avez conclu avec votre homologue ? Que s'est-il passé ?

G. GERAPETRITIS : Remettons les choses à leur place, car je crains que vous n'ayez mélangé des questions différentes. Le monastère de Sainte-Catherine du mont Sinaï est un monastère qui revêt une importance historique considérable pour l'orthodoxie, puisqu'il remonte au VIe siècle après J.-C. Il s'agit donc d'un monastère en activité depuis plus de 1 500 ans, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO et doté d'une valeur religieuse et émotionnelle exceptionnelle. Les questions relatives au caractère et aux droits de propriété du monastère ne sont pas récentes, mais remontent à plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d'années. Le litige judiciaire n'est pas non plus nouveau, mais remonte à plus de dix ans. Nous comprenons donc qu'il ne s'agit pas d'une situation nouvelle, mais d'un héritage. En réalité, une tentative a été faite pour trouver une solution extrajudiciaire au litige, c'est-à-dire pour mettre fin au différend, afin que le monastère puisse continuer à fonctionner comme avant. Cet accord aurait mis fin au litige, mais n'aurait pas garanti à perpétuité le caractère cultuel du monastère.

JOURNALISTE : Vous voulez dire le mode de fonctionnement religieux ? Si je ne me trompe pas, la question est maintenant celle de la propriété, n'est-ce pas ? Personne ne touche au religieux.

G. GERAPETRITIS : La loi égyptienne ne prévoit pas de disposition particulière pour le monastère, malgré son caractère religieux séculaire. La décision de la cour d'appel a été rendue, elle contient des éléments positifs et négatifs. Le point positif est que le caractère cultuel orthodoxe grec est garanti à perpétuité. Il ne faut pas sous-estimer cela, car, indépendamment de la propriété, un État souverain a les moyens d'intervenir. Aujourd'hui donc, après le prononcé de cette décision, qui est unique en 15 siècles d'existence du monastère, le caractère cultuel et orthodoxe est désormais reconnu par le gouvernement égyptien et restera inchangé à l'avenir.

JOURNALISTE : Puisque j’ai visité le monastère, il est vrai qu’on ressent une certaine fierté en entrant et en voyant le drapeau grec au Sinaï.

G. GERAPETRITIS : Le drapeau grec continuera de flotter, je vous l'assure. Le point négatif de cette décision est qu'elle ne reconnaît pas la propriété du monastère.

JOURNALISTE : Y a-t-il un risque que l'approvisionnement du monastère soit interrompu ou rendu difficile ?

G. GERAPETRITIS : Il n'y a absolument aucun risque pour la survie économique du monastère. Le risque réside principalement dans la suite, du point de vue des moines. Ce qu'il faut garantir, c'est que les résidents du monastère puissent continuer à exercer leurs fonctions monastiques sans entrave et que leur présence soit renouvelée. L'État grec y veillera. Et la réalité est que la décision de la Cour d'appel égyptienne nous a donné une arme redoutable pour pouvoir maintenir cette continuité. Il n'est pas question que l'État grec abandonne le monastère. Je suis en contact permanent avec le supérieur du monastère de Sainte-Catherine et avec les moines, afin de connaître leur position sur ces questions. Il est évident qu'aucune décision ne sera jamais prise par l'État grec sans l'accord de ceux qui ont actuellement le dernier mot, car ils vivent dans le monastère. J'ai également eu l'occasion de communiquer avec le Patriarche œcuménique à ce sujet.

Et j'aimerais ajouter quelque chose. Certains critiquent aujourd'hui le gouvernement, alors qu'aucun accord n'avait été trouvé depuis 15 siècles sur la propriété et la continuité du monastère. Les moines du monastère ont toujours obtenu des permis de séjour de quelques mois, sans nationalité égyptienne, au risque que le monastère ne se vide un jour de toute vie. Ils viennent donc aujourd'hui accuser hypocritement le gouvernement de ce qui n'a pas été résolu depuis des siècles, pas même par ceux qui ont exercé le pouvoir politique dans le passé.

JOURNALISTE : Y a-t-il actuellement vingt moines ? Est-il possible que leur nombre augmente avec cette décision, avec cet accord que vous avez conclu...

G. GERAPETRITIS : La partie égyptienne, sur tous les tons, le jour même où la décision a été rendue publique, par le biais d'un communiqué de la présidence et d'un communiqué séparé du ministère des Affaires étrangères, ce qui n'est pas habituel puisque la présidence et le ministère des Affaires étrangères ne prennent pas de décisions pour commenter les décisions judiciaires, a déclaré qu'elle garantirait pleinement le statu quo du monastère. Et si vous avez pris connaissance de la déclaration publiée hier par mon homologue égyptien après notre rencontre, je pense qu'elle est très éloquente. Elle stipule clairement : « Le statu quo du monastère est pleinement garanti ». Que signifie statu quo ? Cela signifie le régime qui existait avant la décision. Ainsi, tous les droits découlant du patrimoine culturel, qui est également inscrit à l'UNESCO pour le monastère, sont maintenus. Mais il y a autre chose. C'est très important, et je vais y consacrer tous mes efforts dans les prochains jours afin de parvenir à un accord avec la partie égyptienne qui résoudra des problèmes séculaires. Car notre position n'est pas simplement de perpétuer les problèmes en attendant que notre mandat arrive à son terme. Nous nous attaquons aux problèmes à la source, en en assumant parfois le coût. Mais je vous assure qu'avec la bonne volonté dont fait preuve la partie égyptienne, que je dois reconnaître, et dans le respect du droit d'un pays ami, je mettrai tout en œuvre pour parvenir à un accord qui garantira deux points essentiels : le caractère juridique et la continuité physique du monastère.

JOURNALISTE : Vous êtes donc optimiste. Quand aurons-nous la prochaine étape, Monsieur le Ministre ?  

G. GERAPETRITIS : Nous sommes convenus d'examiner les propositions réciproques. Nous estimons que d'ici juin, nous aurons procédé à des échanges de textes afin de pouvoir faire avancer concrètement la discussion. Je reste convaincu que, dans l'esprit de respect des relations gréco-égyptiennes, qui ont aujourd'hui atteint un niveau stratégique, le monastère continuera d'être un symbole religieux majeur, comme il l'a toujours été.

JOURNALISTE : L'Égypte, Monsieur le Ministre, est un allié puissant, mais un allié difficile dans toutes les négociations. Les négociations que nous avons menées avec les Égyptiens n'ont pas été faciles. D'où tirez-vous votre optimisme quand vous dîtes que tout ira bien cette fois ? Je vous rappelle la délimitation des zones maritimes.

G. GERAPETRITIS : Dans toute discussion, des difficultés surgissent toujours. Je suis quelqu'un de conciliant. Je pense qu'il faut respecter la position de son interlocuteur, surtout lorsque cette position repose sur la souveraineté même d'un État, comme c'est le cas ici pour la partie égyptienne en ce qui concerne les antiquités situées sur son territoire ou les décisions judiciaires rendues. J'ai toutefois eu l'occasion de constater, lors de mon bref séjour au Caire, notre volonté commune de maintenir nos relations à un niveau élevé dans l'intérêt de nos deux pays et de la sécurité régionale.

JOURNALISTE : Vous êtes le seul ministre des Affaires étrangères, depuis la fin de la dictature, à avoir rencontré autant de fois le ministre turc des Affaires étrangères. Cela ne s'était jamais produit depuis 1974.

G. GERAPETRITIS : Je suis sûr que vous suivez cela de près et je prendrai note de vos informations.

JOURNALISTE : Que vous dites-vous ? C'est une question que l’on se pose, car chaque fois qu'une réunion a lieu, il y a toujours un petit communiqué indiquant que vous avez discuté des développements internationaux et de la date du Conseil de coopération de haut niveau. Pendant tout ce temps, à chaque fois que vous rencontrez Fidan, de quoi parlez-vous ? Je pense que les gens ont le droit de savoir. Selon vos propres termes, il n'y a pas de diplomatie secrète. Dites-nous enfin ce qui se dit lors de ces réunions.

G. GERAPETRITIS : Tout d'abord, M. Chassapopoulos, pensez-vous que tous les détails des discussions qui ont lieu au plus haut niveau diplomatique et qui concernent la sécurité du pays doivent être rendus publics ? Devons-nous en discuter en direct ?

JOURNALISTE : Non. Mais il n'y a pas lieu de publier le même communiqué à chaque fois.

G. GERAPETRITIS : À l'heure actuelle, il n'y a pas que la Grèce et la Türkiye. Il n'y a pas que les relations bilatérales, mais aussi des questions dans notre région qui ont un énorme impact sur les deux pays. Il y a le front du Moyen-Orient qui nous préoccupe tous les deux. Il y a le front de l'Ukraine qui nous affecte tous. Il y a les fronts en Afrique qui constituent une menace potentielle pour la Méditerranée et l'Europe. Je peux donc vous assurer qu'il y a de nombreux problèmes à régler. D'autre part, le choix d'avoir un canal de communication régulier au plus haut niveau a un seul objectif : prévenir les tensions et les gérer. Il y a eu des tensions potentielles qui, grâce à nos canaux de communication directs, ne se sont pas transformées en crise, comme dans le cas des migrations.

J'entends souvent cette phrase : « Mais de quoi discutez-vous ? Et de toute façon, à quoi sert la discussion si la Türkiye ne revient pas sur ses positions fondamentales ? La réponse est très simple. Nous ne nous attendions pas à ce que la Türkiye revienne sur ses positions fondamentales. Tout comme il n'y a aucune chance que la Grèce revienne sur ses positions fondamentales. Partant de là, ce que nous cherchons à faire, c'est de créer une relation fonctionnelle et un climat de confiance élémentaire. Car nous oublions souvent où nous en étions il y a trois, cinq ou dix ans. Rappelons-nous qu'il y a quelques années, des dizaines de milliers de migrants clandestins envahissaient les îles et la région de l'Évros. Et aujourd'hui, grâce à l'amélioration du climat, la réalité est celle des touristes turcs qui viennent paisiblement visiter nos îles avec leurs familles, créant un flux énorme pour les économies locales et, surtout, un esprit de compréhension mutuelle entre les peuples.

JOURNALISTE : Passons aux îles. Pourquoi les habitants des îles, et en particulier les maires, sont-ils si enthousiastes à propos de cette histoire, tout comme, j'imagine, les demandes que vous recevez pour étendre ce projet à d'autres îles ? Même si votre île, Karpathos, n'est pas incluse, mais elle ne dispose pas, à ma connaissance, des infrastructures nécessaires. Et ensuite, je vous parlerai des infractions, car j'ai quelques questions à ce sujet.

G. GERAPETRITIS : Bien sûr. En ce qui concerne la question du visa de court séjour. Le visa de court séjour était une idée que j'avais élaborée...

JOURNALISTE : Excellente idée en tout cas. C'était la meilleure chose qui ait été faite dans les relations gréco-turques.

G. GERAPETRITIS : Merci beaucoup. Je l'ai élaborée sur la base d'un ancien programme similaire qui avait toutefois eu une application extrêmement limitée, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, en septembre 2023 à New York, deux mois seulement après ma prise de fonction. Sur place, j'ai rencontré la Commissaire européenne chargée des Affaires intérieures, Ylva Johansson, qui a écouté l'idée et l'a immédiatement adoptée.

JOURNALISTE : Malgré le fait qu'elle ait formulé de vives critiques à notre encontre sur la question de Pylos.

G. GERAPETRITIS : Même si elle avait effectivement exprimé certaines objections concernant la surveillance de nos frontières maritimes, elle a immédiatement accepté cette initiative. Et je dois dire que, bien qu'il s'agisse d'une dérogation – certes légitime – aux règles de Schengen, elle a elle-même veillé à ce que nous la mettions en œuvre. Mais au-delà de la question des économies locales et du renforcement des revenus des îles, il est pour moi très important de développer une diplomatie entre les peuples.

JOURNALISTE : Nous avons ouvert la voie à toute l'Union européenne avec cette mesure.

G. GERAPETRITIS : En effet, tout le monde est satisfait. Au cours de la première année de mise en œuvre de la mesure, dix îles ont été concernées. Le critère était les cinq îles dotées de structures migratoires et, en outre, les cinq îles directement reliées par ferry à la côte turque. Je tenais en effet à ce que les critères que j'adopte soient toujours objectifs. Deux îles ont été ajoutées cette année, à savoir Patmos et Samothrace. Le critère était également la composition des liaisons maritimes. Malheureusement, en raison du caractère exceptionnel de cette mesure au regard du droit de l'Union européenne, il n'a pas été possible de l'étendre davantage.

JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, depuis un certain temps déjà, deux types d’avions de reconnaissance turcs à hélices et un type de Véhicule Aérien Sans Pilote – drone décollent presque quotidiennement, y compris les jours fériés et les fêtes religieuses, depuis les côtes turques. Sans plan de vol, ce qui signifie qu'ils enfreignent les règles de la circulation aérienne ou violent notre espace aérien à 10 milles et se déplacent entre Rhodes et Karpathos. Ils restent là pendant un certain temps. À des fins d'espionnage. Nous ne savons pas ce que fait cet engin. Puis il repart. Cela se produit tous les jours. N'avez-vous jamais demandé à Fidan : « Que faites-vous là-bas ? Que cherchez-vous ? Cela se produit tous les jours.

G. GERAPETRITIS : Tout d'abord, je voudrais remettre les choses dans leur contexte. Il y a quelques années, nous avions 7 000 violations par an. Aujourd'hui...

JOURNALISTE : Nous avons 3 violations par jour.

G. GERAPETRITIS : Nous n'en avons que quelques-unes, la plupart du temps, au cours des deux dernières années, nous n'en avons eu aucune. Regardons l'échelle : le fait que nous soyons passés de 7 000 infractions par an à une chute vertigineuse jusqu’en 2023. Deuxièmement, le fait que la Grèce continue à mener pleinement ses exercices dans la mer Égée. Vous le comprenez. Cela fait partie des mesures de confiance que notre pays met en œuvre dans le cadre du dialogue gréco-turc et du pilier auquel participent des militaires et des hauts diplomates. Les questions que vous soulevez sont donc prises en compte dans les mesures de confiance et font l'objet de discussions. Nous en sommes bien conscients. Nous prenons évidemment les mesures qui s'imposent. Et nous veillons à ce que le renforcement de nos capacités de défense nous permette de neutraliser toute menace éventuelle. Vous le savez, je le répète souvent : nous aspirons bien sûr à la paix et à la prospérité. Les Grecs sont par nature un peuple pacifique. D'un autre côté, pour garantir la paix, il faut être toujours vigilant. Surtout à une époque où nous sommes confrontés à des asymétries mondiales. Nous continuerons donc à renforcer nos capacités de défense, à renforcer notre présence diplomatique et à développer notre économie.

JOURNALISTE : Deux dernières questions, Monsieur le Ministre. Vous avez dit que nous ne céderions pas sur nos intérêts nationaux. Qu'en est-il du câble ? Avons-nous cédé ?

G. GERAPETRITIS : J'ai dit à plusieurs reprises qu'il n'y a eu aucune concession. Je sais qu'il y a de la méfiance. Et, malheureusement, il y a des professionnels du patriotisme exacerbé, qui cherchent constamment à jouer sur les sentiments des gens et à les pousser à l’intolérance. La recherche, qui a été menée à Kassos l'été dernier, s'est déroulée conformément au programme de la société. En effet, des navires de guerre turcs sont apparus, alors qu’ils n’auraient pas dû. Nous comprenons que la Türkiye considère que l’accord turco-libyen est en vigueur et produit des résultats. Je vais être clair. Premièrement, l’accord est illégal et dénué de fondement. Deuxièmement, il s’agit d’une recherche maritime pour la pose de câbles électriques sous-marins, entièrement protégée par le droit international. Et puisque nous affirmons tous vouloir nous appuyer sur une base commune, à savoir le droit international, nous ne pouvons pas le faire de manière sélective. La politique étrangère grecque a délibérément choisi de respecter le droit international.

L'interconnexion électrique entre la Crète et Chypre se poursuivra. Et je peux vous assurer que cela se fera en temps voulu. Comme le prévoit le plan d'aménagement du territoire maritime, qui était en suspens depuis de nombreuses années. Il a été présenté par le gouvernement actuel il y a environ un mois. Il exprime les limites potentielles ultimes du plateau continental et de la zone économique exclusive de la Grèce, il exprime clairement le droit de la Grèce à étendre ses eaux territoriales jusqu'à 12 milles marins, ce qui est pour la première fois inscrit dans un texte international. Et aujourd'hui, bien sûr, nous comprenons que, de manière inopportune et hypocrite, tout le monde peut critiquer. Nous avons fait venir Chevron, ce qui était le gage absolu de la confiance dans nos droits souverains. La Grèce continuera d'exercer ses droits souverains sur le terrain. Nous recherchons le consensus. Nous souhaitons que toutes les pays voisins – y compris la Libye et la Türkiye– délimitent leurs zones maritimes. Nous avons d'ailleurs clairement indiqué que nous souhaiterions conclure un accord avec la Türkiye pour saisir la Cour internationale de justice de La Haye afin de délimiter une zone économique exclusive et un plateau continental. Celui qui a le droit international de son côté n'a rien à craindre.

JOURNALISTE : C'est vrai. Monsieur le ministre, quand pensez-vous que l'affaire du câble reprendra ? Quelle est votre estimation ? Vous m'avez dit que cela dépendait de nos intérêts.

G. GERAPETRITIS : Le calendrier dépend de la programmation de la société, de la publication des NAVTEX nécessaires, qui doivent être fragmentés. En effet, il s'agit d'une distance maritime considérable, sur laquelle il est impossible d'isoler tout le trafic commercial. Cela soulève de nombreuses questions. Le moment opportun viendra, et il viendra bientôt.

JOURNALISTE : Dites-nous, M. Gerapetritis. Y a-t-il de bonnes nouvelles pour Chypre après votre rencontre avec Maria Angela Holguin ?

G. GERAPETRITIS : En effet, jeudi, j'ai reçu au ministère des Affaires étrangères la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour Chypre, Maria Angela Holguin. Nous avons eu une discussion productive. Au cours des deux dernières années, le dossier chypriote a connu une évolution importante, à laquelle a clairement contribué l'amélioration des relations gréco-turques. Il est important de la maintenir. Telle est également la volonté du Secrétaire général, Antonio Guterres. La réunion informelle élargie de mars, après sept ans d'immobilisme, a produit des résultats tangibles, ce qui était l'objectif personnel du Secrétaire général. Il est bien sûr important que les accords conclus soient mis en œuvre, car l'objectif premier est d'instaurer la confiance. C'est sur cette base que nous préparons la prochaine réunion informelle élargie, au cours de laquelle la Grèce jouera le même rôle constructif qu'à Genève. Le fait que le Secrétaire général des Nations Unies ait nommé une représentante spéciale pour Chypre montre deux choses, Monsieur Chassapopoulos. Premièrement, que la question chypriote figure en bonne place dans l'agenda de l'Organisation et, deuxièmement, que si nous voulons progresser, il n'y a qu'une seule voie, celle du dialogue.

OURNALISTE : Combien y a-t-il de ministres des Affaires étrangères dans le pays ?

G. GERAPETRITIS : Un seul, bien sûr.

JOURNALISTE : Merci.

G. GERAPETRITIS : Je vous remercie.

Juin 7, 2025