Discours du ministre des Affaires étrangères, Giorgos Gerapetritis, lors de la cérémonie de remise du titre de docteur honoris causa de la Faculté de droit de l'Université Aristote de Thessalonique à Maria Telalian (10.03.2025)

Discours du ministre des Affaires étrangères, Giorgos Gerapetritis, lors de la cérémonie de remise du titre de docteur honoris causa de la Faculté de droit de l'Université Aristote de Thessalonique à Maria Telalian (10.03.2025)

Honorables autorités rectorales,

Chers collègues,

Chers amis,

J'ai expressément demandé à mon bureau de ne pas parler après Vangelis Venizelos, mais pour une raison étrange, cela se produit tout le temps ces derniers temps, monsieur le Professeur. La raison est évidente, je n'ai pas besoin de vous l’indiquer. Et c'est pourquoi, lorsqu'on m'informe que je vais parler après M. Venizelos, je ne prépare jamais de discours.

Vous entendrez donc en personne mon expérience avec Mme Telalian. J'ai eu un coup de chance. La chance, c'est que Mme Maria Telalian prenait sa retraite alors que j'étais ministre d'État au Palais Maximou. Avec son départ à la retraite, le Premier ministre a choisi de l'élever au rang de conseillère personnelle et j'ai eu l'occasion d'avoir le tutorat idéal en politique internationale, en diplomatie internationale et en droit international que l'on peut avoir, même si elle ne savait pas ce qu’allait se produire à l’avenir. Et cette grande expérience, que Mme Telalian m'a transmise, est aujourd'hui pour moi un atout vraiment important, que je mets à profit tous les jours. Je tiens à vous remercier profondément et à vous dire combien je vous en suis reconnaissant.

Mme Telalian est chaque jour présente au ministère. Elle y est physiquement ou mentalement. Et je pense que le fait que nous nous sommes parlées au cours de l'année et demie écoulée autant de fois, et que nous avons passées ensemble à discuter autant d'heures de questions de droit international appliqué, en dit long. Et j'imagine que Mme Telalian ne se sentirait pas bien non plus d'avoir à ses côtés un avocat qui pense connaître le droit international, en plus de la tâche qu’elle a assumée. Nous avons généralement nos propres désaccords. Et en sortant de la salle, nous savons tous qui l’a emporté.

Ce que je veux dire par cela est que le doctorat qu'elle entreprend aujourd'hui, l'honneur d'un doctorat honorifique, pourrait être entrepris, bien sûr, en rassemblant simplement les notes informelles qu'elle m'a envoyées pendant un an et demi, qui représentent des milliers de pages et qui, je dois vous le dire, sont tellement interconnectées et inséparables sur le plan conceptuel qu'elles pourraient très bien constituer une thèse de doctorat. Et je suis certainement convaincu qu'elles constitueraient également un formidable matériel d'archives. Heureusement, elles sont réservées à l'usage de la direction politique et de la Secrétaire d’État, Mme Papadopoulou, qui est également devenue mon propre tuteur ces derniers temps. Nous avons beaucoup de chance de pouvoir utiliser ces textes précieux de Mme Telalian.

Je voudrais juste mentionner comment Mme Telalian est devenue chef du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE. L'OSCE, comme l'a fait remarquer à juste titre le professeur Venizelos, était en fait en état d'hypnose. La raison pour laquelle elle était en état d'hypnose était la manière dont sont prises les décisions relatives à la constitution des organes, où les 57 États participants de l'OSCE doivent se mettre d'accord, sans interrompre le processus, qui est une proposition de la présidence. Il ne s'agit pas seulement d'une tâche titanesque, mais d'une tâche réellement impossible dans les circonstances actuelles. C'est pourquoi, pendant de nombreuses années, les organes de l'OSCE n'ont pas pu être mis en place. Et c'est très important, pour la simple raison que l'OSCE est la seule organisation qui s’occupe réellement de la sécurité non seulement de l'Europe au sens strict du terme, mais aussi de la sécurité de l'Occident et du monde entier. Surtout aujourd'hui.

Mme Telalian était la seule, et je le dis en connaissance de cause, à pouvoir rassembler 57 États, dont certains avaient des différences structurelles. La Russie a voté pour avec l'Ukraine, l'Arménie a voté pour avec l'Azerbaïdjan, Chypre et la Türkiye ont voté pour. Je pense qu'il s'agit là d'un fait évident de valeur, de reconnaissance, mais surtout d'impact positif, non seulement en Grèce, mais aussi sur la scène internationale.

Je ne m'attarderai que sur deux caractéristiques de Mme Telalian, la personne honorée aujourd'hui, et je ne vous fatiguerai pas davantage. La première caractéristique est qu'elle est une avocate active. De gré ou de force. Ne vous attendez pas à lui demander son avis. C'est pourquoi, lorsque le téléphone sonne et que c'est Mme Telalian, vous savez que quelque chose ne va pas, mais que ce problème sera résolu avec l'aide de Mme Telalian, ce qu'elle a fait à maintes reprises avec courage, ce qui l'a parfois amenée à se trouver confrontée à des tensions. Mais cela a toujours créé une valeur ajoutée pour la diplomatie grecque. Sa deuxième caractéristique est qu'elle est une juriste créative. Elle n'est pas une juriste qui va s'inspirer d'une doctrine qui, sur la base d'une approche consultative, ne pourra jamais évoluer.

Elle a une conception forte du droit international, comme devrait l'avoir toute personne ayant une connaissance approfondie du phénomène, mais elle a aussi une connaissance qui est profondément créative. Elle peut évoluer, elle peut s'intégrer dans le domaine, et c'est pour cette raison qu'elle a une valeur ajoutée supplémentaire. Et aujourd'hui, ce savoir créatif est plus que jamais nécessaire. Car en effet, comme on l'a dit, nous sommes aujourd'hui dans une ère de crises multiples, crises qui sont parties d'une dégradation inhérente à l'architecture de sécurité internationale, qui a conduit à une quasi-paralysie des institutions internationales et aujourd'hui à une remise en cause du droit international dans son ensemble.

Il se pourrait, monsieur le Professeur, que ce soit l'inverse. Le droit international, qui a connu des problèmes inhérents à son application, pourrait être appliqué de manière équilibrée, structurée et fondée sur des règles et pas seulement sur la doctrine du plus fort. Mais cette situation, qui se dessine aujourd'hui, nécessite des juristes ayant l'intelligence, l'esprit, la connaissance de Mme Telalian.

Je voudrais conclure en disant qu'aujourd'hui, j'éprouve aussi un peu de jalousie, pour ne pas dire plus, parce que Mme Telalian devient membre de la communauté universitaire de l'université Aristote et non de l'université nationale et kapodistrienne d'Athènes, où elle a commencé sa grande carrière. Il est évident que nous aurions dû prendre de l’avance. Mais il y a aussi une différence structurelle. Car l'université Aristote de Thessalonique a toujours été beaucoup plus rigoureuse sur le plan théorique. Je l'ai toujours dit. Et c'est pourquoi je pense qu'en fin de compte, l'association pointe vers Aristote. Comme vous le savez, Aristote a dit que la connaissance ne devient utile que lorsqu'elle n'est pas utile. Je pense qu'en ce moment, la connaissance utile, bénéfique, réelle, appliquée du droit international de Mme Telalian aidera le pays, aidera l'Europe à sortir de l'impasse dans laquelle elle se trouve et à revenir à un environnement de droit international fondé sur des principes et des règles.

Pour vous, Madame Telalian, ce jour est non seulement un jour d'honneur mais aussi un jour de justification. Au ministère des Affaires étrangères et en votre personne, ce sont tous les fonctionnaires qui sont honorés et qui sont inspirés par ce sens du patriotisme, de la diligence et de la foi en leur mission.

Je vous remercie.

Mars 11, 2025