JOURNALISTE : Nous vous disions qu'hier, un sondage montrait que la politique étrangère était l'arme la plus puissante du gouvernement, même si l'on parle d'une tendance vers l'extrême droite, etc. Ici, elle semble résister. Elle est plus forte que la Nouvelle Démocratie en tant que parti dans les sondages. Première question : comment jugez-vous la politique étrangère du gouvernement ? 44% des interrogés répondent positive et plutôt positive. Dans aucun autre domaine, dans l'ensemble des domaines, c'est-à-dire la sécurité, la hausse des prix, l'économie, les institutions nous n'observons un taux aussi élevé. Par rapport à il y a six ans, lorsque le gouvernement de la Nouvelle Démocratie est entré en fonction, pensez-vous que la position du pays à l'étranger s'est améliorée ? 35,6 % des personnes interrogées affirment que tel est le cas, ce qui est également un indicateur élevé. Et lequel des leaders politiques souhaiteriez-vous pour représenter le pays en Europe et dans le reste du monde ? Mitsotakis, 34,8%. Konstantopoulou, 11,1%, Androulakis 10,4%. Il s'agit d'un sondage. Et nous avons ici sur notre ligne téléphonique, la personne qui en est en charge, le ministre des Affaires étrangères, M. Giorgos Gerapetritis, qui nous fait le plaisir d'être avec nous ce matin. Bonjour, Monsieur le Ministre.
G. GERAPETRITIS : Bonjour, M. Xenakis. Bonjour, M. Skouris. C'est mon plaisir de m’entretenir avec vous.
JOURNALISTE : Eh bien, par où voulez-vous qu’on commence ? Je dirais qu'il faut commencer par les événements actuels. Par exemple, nous avons eu la déclaration de Trump hier sur le Premier ministre grec. Nous apprenons également que nous pourrions même avoir une rencontre entre le leader planétaire et le Premier ministre grec. Comment sont nos relations avec le nouveau président des États-Unis ?
G. GERAPETRITIS : Nous avons d'excellentes relations avec la nouvelle administration américaine. Comme vous le savez, j'ai été l'un des rares, des tout premiers, à rencontrer le secrétaire d'État américain au département d'État. Nous avons eu une conversation extrêmement productive. Nous nous sommes ensuite retrouvés à Bruxelles en marge de la conférence de l'OTAN. Nous avons développé de bonnes relations, il y a des canaux de communication. Et surtout, il y a une compréhension sérieuse, une relation sérieuse, qui remonte - non seulement au passé et à la relation qui s'est développée entre les deux dirigeants au cours du premier mandat du président Trump - mais surtout à la relation de défense stratégique qui s'est développée entre la Grèce et les États-Unis. Et, surtout, aux intérêts communs, qui existent largement. Je pense que c'est l'empreinte d'une administration sérieuse, d'une politique étrangère sérieuse et stable, et d'une grande empreinte diplomatique.
Vous savez, le fait que la Grèce fasse actuellement partie du noyau dur de l'Union européenne et qu'elle prenne des initiatives cruciales en matière de relations transatlantiques et que, d'autre part, la Grèce siège au Conseil de sécurité des Nations Unies, co-déterminant la politique internationale, je pense qu'il s'agit en soi d'un facteur très puissant qui inciterait n'importe qui à vouloir avoir notre pays à ses côtés.
JOURNALISTE : Pouvons-nous donc supposer que nous aurons des contacts directs entre le Premier ministre grec et le Président des États-Unis ?
G. GERAPETRITIS : Cette rencontre aura lieu en temps voulu, évidemment. Comme vous le savez, nous sommes actuellement en train de mener de multiples consultations sur diverses questions. Le moment venu, les deux dirigeants se rencontreront. La relation est déjà bien établie depuis le premier mandat du président américain. Je pense que cela se confirmera lors de la deuxième rencontre.
JOURNALISTE : Car nombreux sont ceux qui disent - et je pense que cela est bien fondé - que le gouvernement de la Nouvelle Démocratie de ces six dernières années a beaucoup investi dans la présidence précédente, la présidence Biden. C'est ce qu'elle a fait lors de l'arrivée de Kamala Harris. Cela a pu créer des problèmes dans les relations. En même temps, nous avons affaire à un homme politique, comme Trump, qui, de temps en temps, fait l'éloge, il trouve un moyen de faire l'éloge de notre voisin, le président Erdogan.
G. GERAPETRITIS : La réalité contredit cela, cependant. La réalité dit qu'à l'heure actuelle, les canaux sont en place avec l'administration américaine. Ils ont été établis - permettez-moi de le dire - avant même les élections américaines. Vous savez, à ce stade de l'histoire diplomatique, les choses sont absolument imprévisibles. Le multilatéralisme international est devenu extrêmement imprévisible. Ce qu'une politique étrangère prudente devrait faire, c'est élaborer tous les scénarios possibles. Et c'est ce que nous avons fait en temps utile. Et je pense que cela se confirme dans la pratique.
La relation qui peut exister entre le président américain ou la nouvelle administration américaine et la Türkiye - car c'est évidemment à cela que vous faites référence - est une réalité. Bien sûr - et permettez-moi de le dire - j'ai le sentiment que depuis le premier mandat de Trump, beaucoup de choses ont changé en termes d'équilibres régionaux. Les deux grandes guerres qui ont émergé bouleversent notre région. Elles sont en train de changer le paysage. La valeur stable, c'est celle qui repose sur une gouvernance stable, qui repose sur des principes, qui repose sur le droit international. Et surtout, une politique étrangère qui élargit son empreinte.
En six ans, le gouvernement Mitsotakis a réussi à conclure d'importants accords de coopération stratégique. Nous avons accru notre puissance régionale. Nous sommes peut-être le seul pays à entretenir une relation stratégique avec Israël, mais aussi d'excellentes relations avec l'ensemble du monde arabe. Nous avons des alliances stratégiques, au-delà des États-Unis, avec la France et d'autres puissances. Nous comprenons donc que cela multiplie notre puissance.
JOURNALISTE : Et plus spécifiquement, il y a la question cruciale que nous avons maintenant avec la pose du câble. Les recherches vont-elles se poursuivre ? Vont-elles être gelées ? Et nous en parlons maintenant parce qu'il y avait un plan pour la mi-avril. Qu'en est-il ? Pouvons-nous avoir un calendrier ?
G. GERAPETRITIS : Le calendrier dépend de plusieurs facteurs. Il ne dépend pas seulement de la planification de l'entreprise, qui doit être faite. Il dépend également des détails techniques, qui déterminent la question de l'exploration et de la submersion, car il faut également émettre le messages NAVTEX nécessaires. C'est une question de calendrier, dans la mesure où d'autres questions restent en suspens. La pose du câble se poursuivra. Je vous rappelle qu'il s'agit d'un projet cofinancé par l'Union européenne, qui est protégé par le droit international, en ce sens qu'il s'agit d'un projet d'exploration et de pose libre, qui ne nécessite pas d’autorisation.
JOURNALISTE : Ce projet est contesté par la Türkiye et beaucoup disent qu'Athènes a peur. C'est pourquoi je vous pose la question.
G. GERAPETRITIS : Soyons clairs. Il n'y a absolument aucune peur. Bien sûr, nous évaluons toujours les faits, nous évaluons les intentions et les réactions. Et ce, toujours dans le but d'obtenir le plus grand bénéfice possible pour notre propre politique étrangère. Je le répète, le travail se poursuivra, il sera fait au bon moment. Nous comprenons tous, cependant, qu'étant donné qu'il y aura des explorations et des forages dans des zones maritimes qui n'ont pas été délimitées et qu'il y a des revendications de la part de la Türkiye, il est évident que cela pourrait créer des frictions. C'est également la raison pour laquelle la Grèce et tous les pays de la région, dans l'intérêt de la stabilité régionale, devraient délimiter leurs zones maritimes. Ce que nous disons, c'est que nous soutenons fermement et sérieusement nos droits souverains. Nous ferons ce que nous devons faire. Nous l'avons déjà fait dans le cas de l'attribution à Chevron et Exxon, deux géants mondiaux de l'énergie. Nous le ferons également en ce qui concerne les plans d'aménagement de l'espace maritime, qui sont attendus depuis longtemps. La Grèce ira de l'avant sans la moindre peur.
JOURNALISTE : Il y a maintenant une deuxième question d'actualité. Nous savions que le Conseil de coopération de haut niveau entre la Grèce et la Türkiye, c'est-à-dire la visite du Premier ministre grec à Ankara, aurait lieu en janvier. Puis ce fut avril, puis mai. Hier, j'ai lu dans le journal « Milliyet » qu'elle avait été reportée. Cette réunion est gelée. Y a-t-il de problèmes qui pourraient conduire au gel de la visite du Premier ministre et sont-ils également liés à ce qui se passe en Türkiye ?
G. GERAPETRITIS : Il n'est pas question de gel. Le dialogue gréco-turc se poursuit normalement. En outre, la spécificité du dialogue gréco-turc de ces deux dernières années, qui, permettez-moi de vous le rappeler, a produit des résultats très importants tant dans les cas de violations que dans les cas de la question migratoire et dans le cas de Chypre. La particularité de cette période est que ce dialogue est structuré et continu. Les principaux piliers du dialogue, à savoir le dialogue politique, les mesures de confiance et l'agenda positif, se poursuivent normalement. En effet, il y aura le Conseil de coopération de haut niveau, qui se tiendra à Ankara. Aucune date précise n'a jamais été prévue. Il aura lieu lorsque l'emploi du temps des deux dirigeants le permettra et que le moment sera jugé opportun. Toutefois, le dialogue n'est pas gelé, il se poursuit comme d'habitude et la réunion des deux dirigeants aura lieu cette année.
JOURNALISTE : Ce dialogue vise-t-il toujours La Haye ou a-t-il été abandonné, Monsieur le Ministre ? Car j'ai cru comprendre cela a été abandonné.
G. GERAPETRITIS : Ni l'un ni l'autre. La réalité, c'est que lorsqu'il a commencé, il y a environ deux ans, le dialogue gréco-turc était basé sur deux phases, un programme en deux phases. La première phase consistait à instaurer la confiance, qui, je tiens à le rappeler, était largement rompue. Afin d'instaurer la confiance, les deux pays ont investi dans un dialogue organisé, basé sur des piliers spécifiques, avec des calendriers. Cela a permis d'aller très loin. Et je pense que nous en voyons déjà les résultats. La confiance est en partie rétablie. Bien sûr, il y a les grands fardeaux historiques du passé.
Cependant, nous pouvons dire aujourd'hui avec satisfaction que nous n'avons pratiquement pas de violations, que nous avons des visiteurs turcs dans nos îles. C'est une initiative que nous avons prise, qui est très importante pour l'économie locale, mais aussi pour établir une confiance mutuelle. D'autre part, la deuxième phase prévoyait d’aborder la question qui nous occupe. La seule question qui puisse être résolue, même devant la justice internationale, à savoir la délimitation du plateau continental et de la zone économique exclusive. En réalité, nous ne sommes pas encore entrés dans cette phase. Il est indispensable que nous soyons en mesure d'avoir une compréhension commune en ce qui concerne le champ d'application.
JOURNALISTE : Comme nous l'avons vu - et je suis désolé de vous interrompre - ce n'est pas possible dans le sens où la Türkiye soulève un certain nombre de questions, beaucoup de questions différentes, que nous ne considérons pas comme des questions susceptibles d’être régler devant la Cour internationale de Justice à La Haye, parce qu'elles sont résolues par des traités internationaux et tout le reste. Il s'agit là d'un point de divergence essentiel. Ce n'est pas quelque chose que nous allons régler, nous trouverons un moyen.
G. GERAPETRITIS : Bien sûr, vous avez raison de dire qu'il y a une distance sur la position fondamentale qui a trait à l'étendue du litige. Par exemple, nous considérons qu'il y a un seul différend alors que la Türkiye considère qu'il y a des différends qui sont interdépendants. Il s'agit en effet d'une différence fondamentale. Mais permettez-moi de dire autre chose. Le débat sur la délimitation remonte à plus de 20-22 ans. Pendant 22 ans, nous avons eu 64 cycles de contacts exploratoires sur cette question, pour savoir si nous pouvions trouver un terrain d'entente pour avancer sur le compromis et la délimitation. Pendant 22 ans, nous n'avons fait aucun progrès. Je dirais plutôt, en évaluant la situation du point de vue historique, que nous avons fait des pas en arrière. On n'aurait jamais pensé qu'en un an et demi, nous aurions pu trouver une solution.
JOURNALISTE : Non, mais nous avions la question de la démilitarisation des îles. En même temps, nous parlions d'une minorité turque dans le Dodécanèse. L’accord turco-libyen qui est venu s’ajouter. Ils parlent de la Thrace, ils soulèvent diverses questions.
G. GERAPETRITIS : Toutes ces choses auxquelles vous faites référence remontent à des dizaines d’années en arrière.
JOURNALISTE : Oui, c'est vrai.
G. GERAPETRITIS : Les revendications de la Türkiye, qui ont trait à la démilitarisation, aux zones grises, à la patrie bleue, toutes ces revendications remontent à des décennies, ce n'est pas quelque chose de nouveau. Ce qui est important, c'est que ces questions ne font plus l’objet de discussions. La Grèce a clairement fait savoir - et je l'ai dit sur tous les tons - qu'elle ne discutera jamais des questions liées à sa souveraineté et des questions liées à la structure des forces armées. Il s'agit d'une question qui ne concerne que la Grèce. De même que les questions qui ont été résolues par le droit international en ce qui concerne la souveraineté sur les îles. Ce sont des questions qui ne sont pas discutées. Ces questions ne font donc pas l'objet d'un dialogue gréco-turc. Vous avez raison de dire qu'au fil des décennies, il y a eu de nouvelles revendications.
JOURNALISTE : Il y a eu l’accord turco-libyen, il y a eu un certain nombre d'autres choses.
G. GERAPETRITIS : L’accord turco-libyen a effectivement été ajouté. Il se trouve dans une zone de chevauchement avec l'accord gréco-égyptien. Il s'agit d'un accord dénué de fondement. Il est évident qu'il ne produit aucun effet juridique et qu'il n'a aucune base en droit international. Je pense donc que nous devrions en rester là. La logique veut que la bonne chose à faire en ce moment est de s'engager conjointement dans un débat sérieux - et c'est ce que nous essayons de faire - qui s'appuiera sur des hypothèses spécifiques. Les hypothèses sont en fait le droit international, qui définit les relations entre États voisins.
JOURNALISTE : Hier, une décision a été publiée indiquant que la Türkiye figurait sur la liste nationale des pays tiers sûrs. La Türkiye est-elle un pays sûr ? C'est important pour la question des réfugiés.
G. GERAPETRITIS : Pour être clair, il ne s'agit pas d'une nouvelle décision. Ce n'est pas une nouvelle décision. C'est une décision qui remonte au passé. Elle a simplement été rééditée à la suite d'une décision du Conseil d'État, afin que les motifs de cette décision soient plus complets. Pour que l'on soit cohérent et que l'on comprenne bien les enjeux. Nous faisons ici référence au fait que la Türkiye est un pays sûr pour les ressortissants de pays tiers qui se trouvent sur son territoire, par exemple les Syriens. En d'autres termes, il ne s'agit pas d'évaluer globalement si la Türkiye est un pays qui applique horizontalement une politique des droits ou si elle est un pays qui adopte la charte fondamentale des droits. Nous faisons référence, très spécifiquement, au fait que pour certaines nationalités, il n'y a aucun risque lorsque leurs citoyens se trouvent en Türkiye. Cela a une conséquence pratique en ce sens que si le pays est déclaré sûr pour les citoyens de ces pays tiers, leur retour est possible s'il est décidé que les conditions d'octroi de l'asile ne sont pas remplies. Il s'agit donc d'une question purement liée à la question migratoire et aux éventuels retours qui auront lieu si l'asile n'est pas accordé.
JOURNALISTE : Merci beaucoup, Monsieur le Ministre.
G. GERAPETRITIS : Merci à vous.
Avril 10, 2025