Intervention du ministre des Affaires étrangères, Giorgos Gerapetritis, lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la Syrie (New York, 21 mai 2025)

Intervention du ministre des Affaires étrangères, Giorgos Gerapetritis, lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la Syrie (New York, 21 mai 2025)

Permettez-moi tout d'abord de remercier le Représentant spécial, Geir Pedersen, ainsi que le Directeur du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Ramesh Rajasingham, pour leurs informations.

Les changements interviennent généralement de manière progressive. Nous sommes rarement confrontés à des changements tectoniques. La chute de l'ancien régime en Syrie, début décembre, a toutefois constitué un tel changement. Les espoirs des Syriens ont été ravivés, tant pour ceux qui vivent dans leur pays que pour les Syriens de la diaspora. Comme l'a dit le Secrétaire général, nous devons garder vivante la flamme de l'espoir, malgré les défis qui menacent de l'éteindre.

Aujourd'hui, la Syrie a une occasion historique de progresser et de prospérer, ainsi que de devenir un facteur de stabilité pour l'ensemble de la région. La Grèce, historiquement liée au peuple syrien, soutient fermement ces efforts et continuera de le faire. Dans cet esprit, je me suis rendu à Damas en février et j'ai participé aux conférences internationales sur la reconstruction de la Syrie à Paris et à Bruxelles. Nous sommes prêts à contribuer davantage à la reconstruction de la Syrie et à garantir le maintien de sa riche diversité nationale et religieuse.

Aujourd'hui, je voudrais insister sur les trois points suivants.

Premièrement, la prospérité de la Syrie dépend de la mise en œuvre d'une transition politique pleinement inclusive, conformément aux principes énoncés dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

La richesse et la grandeur de la Syrie reposent sur la diversité de ses citoyens. Une mosaïque d'éléments différents, capables de s'épanouir ensemble dans des conditions de paix et d'harmonie. Dans ce contexte, le gouvernement de transition doit rester sur la voie de la politique d'inclusion et d'ouverture. Une voie qui garantira la protection et l'intégration de toutes les composantes de la société syrienne, qu'il s'agisse des chrétiens, des alaouites, des druzes ou des kurdes, et qui assurera la participation active de tous les Syriens, y compris les femmes.

Nous devons mettre l’accent sur certains éléments positifs, tels qu'ils ont été exprimés par le Représentant spécial Pedersen.

Nous estimons qu'il existe une marge d'amélioration considérable sur ces questions. Le gouvernement de transition devra garantir la pleine représentation politique de tous les Syriens, en tenant compte de la composition démographique du pays et en mettant en place des institutions crédibles et représentatives.

En outre, la Constitution qui succédera à la Déclaration constitutionnelle doit refléter les voix d'une société multiethnique et multiconfessionnelle caractérisée par la diversité culturelle, ethnique et religieuse. Dans ce contexte, nous considérons que la poursuite du dialogue national, avec la participation de la société civile et de toutes les voix, est essentielle.

L'accord conclu entre les Forces démocratiques syriennes (FDS) et Damas le 10 mars est extrêmement important, car il engage les parties à interagir pacifiquement. Nous pensons que le règlement de questions telles que celle du barrage de Tishreen, qui constitue une infrastructure essentielle pour garantir les ressources en eau et la sécurité énergétique, constitue un pas dans la bonne direction. Nous continuerons de suivre la mise en œuvre de l'accord, dans l'espoir qu'il contribuera à la stabilité régionale. Le gouvernement de transition devra veiller à ce que les groupes armés dans le nord du pays ne perturbent pas ce processus. Nous appelons tous les acteurs régionaux à s'abstenir de toute violence ou incitation à l'escalade dans ce domaine.

Le départ des combattants étrangers et l'intégration de tous les groupes armés dans les forces de sécurité nationales, tout en garantissant l'exclusion de tous les éléments terroristes et extrémistes violents, dans le cadre d'un effort plus large et déterminé de réforme du secteur de la sécurité, sont une condition préalable à la sécurité intérieure et à la stabilité politique.

Deuxièmement, nous attendons du gouvernement de transition qu'il garantisse la responsabilité et encourage la justice transitionnelle.

Tout recul sur cette question serait préjudiciable. Le Conseil de sécurité a fermement condamné les violences entre groupes religieux, qui ont culminé avec la mort tragique de milliers de civils innocents, principalement des Alaouites et des chrétiens, dans les régions côtières du pays en mars, et attend la publication rapide des conclusions de la commission d'enquête qui a été mise en place. Les responsables doivent être traduits en justice et leurs responsabilités établies. 

Nous sommes tout aussi préoccupés par les violences qui ont éclaté dans le sud, visant principalement des membres de la communauté druze. Tout doit être mis en œuvre pour mettre fin aux violences entre groupes religieux afin que la Syrie puisse tourner la page. Il est absolument indispensable que les autorités de transition maintiennent l'ordre, assurent le contrôle des groupes armés, protègent tous les Syriens sans distinction et traduisent les responsables en justice sans délai, conformément aux règles et normes du droit international. La Grèce appelle à une enquête rapide, transparente, crédible et impartiale de la part de la commission d'enquête et demande que les mécanismes compétents des Nations Unies soient également autorisés à enquêter sur ces crimes.

Tous les Syriens ont le droit de vivre à l'abri de la peur.

Nous avons salué la participation du ministre des Affaires étrangères, M. Shaibani, au débat de l'Assemblée générale sur le dernier rapport du mécanisme international, impartial et indépendant sur la Syrie (Triple-I Mechanism/IIIM), ainsi que sa volonté exprimée de coopérer avec les mécanismes internationaux pour promouvoir la responsabilité. Le gouvernement de transition s'est engagé envers le peuple syrien à tenir ses promesses et la communauté internationale attend leur concrétisation.

J'en arrive au troisième point : tout ce qui précède se déroule dans un contexte économique et sécuritaire véritablement précaire et difficile.

D'après les informations que nous avons reçues aujourd'hui, la Syrie est confrontée à des destructions et à une désertification à grande échelle. C'est pourquoi, lors de la 9e conférence de Bruxelles en mars, la Grèce a été parmi les pays qui se sont engagés à soutenir concrètement la reprise en Syrie. La Grèce reste déterminée à soutenir les Syriens dans la reconstruction de leur pays et dans leur lutte pour un avenir libre et démocratique.

De même, l'UE a suspendu sans délai certaines mesures restrictives, sous certaines conditions, de manière progressive et réversible, afin de soutenir la Syrie. Nous continuerons à suivre de près l'évolution de la situation, en vue d'examiner la levée d'autres restrictions, sur la base de progrès tangibles en matière de responsabilité, d'inclusivité du processus politique et de respect constant du droit international, du droit international de la mer et des droits souverains des États voisins.

L'annonce par le président Trump de la levée des sanctions américaines constitue une opportunité importante pour la Syrie, qui doit coopérer étroitement avec tous ses voisins afin de promouvoir la stabilité et la coopération régionales.

Il est également essentiel de soutenir la Syrie, car des combattants étrangers continuent de circuler librement et la menace d'une résurgence de groupes extrémistes persiste. Il est essentiel, à cet égard, de garantir la viabilité et la sécurité des structures de détention des combattants de l'EI et de leurs proches dans le nord-est de la Syrie.

Enfin, le soutien à la stabilité de la Syrie permettra le retour sûr et volontaire de la diaspora syrienne, riche et éduquée, dans son pays d'origine, comme elle le mérite.

Enfin, il serait omission de ne pas réitérer notre soutien sans réserve à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la Syrie, qui doivent être pleinement respectées par tous, conformément aux accords internationaux pertinents et aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le droit international, y compris la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ainsi que la souveraineté et les droits souverains des États voisins doivent également être respectés.

Chers collègues,

En conclusion, la Grèce souhaite voir la Syrie réussir et devenir un pays pacifique et prospère, dans l'intérêt avant tout du peuple syrien, mais aussi de l'ensemble de la région, et devenir un symbole mondial de la manière dont un pays peut se relever même dans les conditions les plus difficiles. Pour y parvenir, nous pensons que ses dirigeants doivent adopter une transition politique véritablement inclusive, fondée sur le leadership et la souveraineté syriens, et promouvoir la responsabilité, la justice transitionnelle et une réconciliation durable. Dans cette optique, nous soutenons pleinement le rôle de l'ONU et de l'envoyé spécial Pedersen.

Je vous remercie.

Mai 21, 2025